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Le principe de non-discrimination et la longueur des cheveux des officiers de sapeurs-pompiers - Recommandation du Défenseur des droits à l'ENSOSP

Rédigé par ID.CiTé le 30/01/2020



Par une décision en date du 15 janvier 2020, le Défenseur des droits, saisi par un sapeur-pompier estimant a voir été privé d'une formation au sein de l'ENSOSP pour des motifs tenant à son apparence physique et à son sexe, recommande à l'Ecole nationale de se rapprocher de l'intéressé afin d'examiner les modalités de réparation de son préjudice et de veiller au respect du principe de non-discrimination et à sa portée, dans l'enceinte de l'établissement, afin de prévenir le renouvellement de tels faits.

Un sapeur-pompier volontaire, expert psychologue d’un service départemental d’incendie et de secours était inscrit à une formation de deux jours à l’Ensosp sur ordre de son chef de corps départemental.

Le premier jour de formation, il a été demandé à l’intéressé, qui porte des cheveux longs coiffés en chignon, de couper ses cheveux, sous peine de ne pas être autorisé à suivre la formation. Ce dernier ayant refusé il a dû quitter l’établissement sans suivre la formation.

Que ce soit dans son service d’incendie et de secours, ou à l’Ecole nationale lors de formation suivie antérieurement, sa coiffure n’avait jusque-là jamais été remise en cause. S’estimant victime de discrimination, ce dernier a sollicité le Défenseur des droits.

Le port de cheveux longs même coiffés en chignon est-il compatible avec le port de l’uniforme pour toutes et tous, sapeuses-pompières et sapeurs-pompiers ?
Les articles 6 et 6 bis de la loi n° 83- 634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations prohibent toute forme de discrimination fondée, notamment, sur l’apparence physique et le sexe.
Pour le défenseur des droits, le fait d’imposer une coiffure à un personnel masculin, sans imposer la même contrainte à un personnel féminin, peut caractériser une discrimination à raison du sexe et de l’apparence physique (Cf. Cass. Soc.., 11 octobre 2012, n° 10-28213 : le licenciement d’un serveur au motif qu’il porte des boucles d’oreilles constituent une discrimination fondée sur "l’apparence physique du salarié rapporté à son sexe").
Dans une décision n° 2019-205 du 8 octobre 2019 le défenseur des droits a rappelé que :
"Il reste fréquent pour les employeurs d’attendre de l’apparence extérieure de leur personnel qu’il se conforme à leur genre. Il relaie ainsi parfois la prétendue vision stéréotypée d’un homme ou d’une femme au travail. Dès lors, celles et ceux qui se départissent des assignations liées au sexe, tels que des personnes transgenres, des femmes ne répondant pas aux codes de la féminité ou des hommes empruntant des attributs ou des accessoires traditionnellement perçus comme féminins sont susceptibles d’être victime de discrimination. Ceci est sanctionné par les juridictions".
Les exceptions au principe de discrimination doivent être strictement et dûment justifiées : il faut qu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée" (article 2, 2°, alinéa 2, de la loi du 27 mai 2008).

Chaque situation devant faire l’objet d’une appréciation in concreto, le Défenseur des droits reprend en l‘espèce en la réglementation applicable au sapeurs-pompiers : "la tenue et la présentation des sapeurs-pompiers, qu’ils soient professionnels ou volontaires, sont réglementés par un arrêté de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, en date du 8 avril 2015. Cet arrêté fixe les tenues, uniforme, équipement, insignes et attributs que les sapeurs-pompiers doivent porter pendant qu’ils sont en service, que ce soit pour les opérations, pour les activités physiques ou encore pour les cérémonies et autres représentations.
Aux termes de l’article 7 de cet arrêté il est précisé :
"le sapeur-pompier doit s’attacher à apparaître en toute circonstances dans une tenue réglementaire fixée par le chef du corps départemental ou son représentant en respectant l’uniforme qu’il porte, les valeurs et traditions qu’il incarne. À ce titre les coupes et couleurs de cheveux, maquillage et tatouages apparents doivent être compatibles avec l’exercice de leurs fonctions et ne doivent pas attenter à la discrétion ainsi qu’au devoir de réserve du porteur de la tenue ".
L’article 8 du même arrêté ajoute :
"pour des raisons d’hygiène et de sécurité […] les cheveux doivent être d’une longueur compatible avec le port d’une coiffe et être attachés "".
La coupe de cheveux des sapeurs-pompiers, réglementée tant pour garantir l’hygiène et la sécurité des personnels que pour préserver l’image du corps, peut justifier des contraintes vestimentaires ou de représentation, à condition qu’elles demeurent proportionnées au but recherché (cf. CE, 16 décembre 1994, n°112855 sur le port d’une tenue de chantier).

L’hygiène et la sécurité impose aux sapeurs-pompiers une tenue et une coiffure compatibles au port de l’équipement de protection individuelle ; de même, l’image du corps des sapeurs-pompiers, mais aussi des militaires des policiers des surveillants pénitentiaires, implique certaines contraintes vestimentaires.
Dans le présent cas, c’est bien de la proportion au but recherché mais aussi de la disproportion de traitement entre les sapeurs-pompiers et les sapeuse-pompières dont il est question. En effet, il est admis à l’Ecole nationale que ces dernières puissent porter des cheveux longs, dès lors qu’ils sont attachés, avec leur coiffe sans pour autant que cela permis à leurs collègues masculins.
La coiffure du sapeur-pompier intéressé n’ayant par ailleurs jamais fait l’objet de quelque reproche par le passé, le Défenseur des droits considère alors que l’exigence de l’Ensosp à son encontre semble disproportionnée et ne pout être considérée comme essentielle et déterminante. En conséquence, il estime que le refus de formation opposé à l’intéressé par l’Ecole nationale est constitutif d’une discrimination à raison de son apparence physique et de son sexe.
Le Défenseur des droits recommande ainsi à l’Ecole nationale de se rapprocher de ce sapeur-pompier pour examiner les modalités de réparation de son préjudice et de veiller au respect du principe de non-discrimination et à sa portée, dans l’enceinte de l’établissement, afin de prévenir le renouvellement de tels faits.
Par la communication de cette décision du Défenseur des droits sur le PNRS, l’Ensosp observe cette recommandation et concours ainsi, en complément des enseignements qui sont prodigués aux officiers en formation, à la bonne application du principe de non-discrimination et ainsi qu’à sa portée.

ENSOSP - Analyse complète/Audrey Morel Senatore - 2020-01-28