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Covid-19 : Tirer les leçons de l’impréparation de notre pays pour mettre en place une organisation efficace de la Nation en temps de crise (Commission - Travaux)

Rédigé par ID.CiTé le 09/07/2020



La commission des lois souligne l’état d’impréparation dans lequel s’est trouvé, dès février 2020, notre pays pour faire face à l’épidémie.

Malgré l’engagement des agents publics, beaucoup d’administrations n’ont pu maintenir qu’une activité minimale, à la limite, pour certaines, de la cessation complète de fonctionnement. Cette impréparation transparaît dans des plans de continuité de l’activité (PCA) inadaptés, car à la fois disparates et non mis à jour, voire inexistants. Tel est le cas, en particulier, de l’administration de la justice, la Chancellerie n’ayant jamais défini de manière exhaustive la liste des contentieux dit "essentiels" qu’il convenait de maintenir.
L’État central a démontré qu’il n’avait pas l’agilité nécessaire pour réorganiser la vie de la nation en temps d’épidémie dans des conditions de rapidité et d’efficacité acceptables.

Les propositions : renforcer les réponses territoriales et mieux préparer les services publics à faire face aux crises
- Libérer l’action des collectivités territoriales

La crise a mis en exergue les mérites et l’adéquation de la réponse locale, qu’il s’agisse de celle des collectivités territoriales ou de l’État territorial, pour trouver les solutions les plus pertinentes et les plus adaptées aux circonstances.
Les collectivités ont toutefois été "corsetées" dans leur action, alors même qu’elles ont démontré leur détermination à agir en commun pour surmonter la crise sanitaire.
La possibilité de déroger, en situation d’urgence reconnue et à titre temporaire, à la répartition de leurs compétences devrait leur être ouverte. Sans bouleverser les équilibres actuels, il paraîtrait utile d’autoriser les délégations de compétences en matière économique des régions vers les départements.

- Organiser une task force auprès du préfet
En temps de crise, l’éclatement de l’État territorial nuit gravement à la réactivité de ses services, plaidant pour la création d’une task force, permettant au préfet de coordonner l’ensemble des services déconcentrés du territoire, que ceux-ci soient normalement placés sous son autorité ou non (ARS, éducation nationale, etc.)
À plus long terme, le moment semble venu de penser la réunification de l’État territorial, son organisation devant aussi être conçue en fonction des situations de crise.

- Assurer la continuité de la justice judiciaire pendant les crises
Au regard des difficultés constatées, il est nécessaire d’anticiper la prochaine crise en élaborant d’ores et déjà, pour l’avenir, des plans de continuité d’activité (PCA) au niveau des cours d’appel, déclinés par juridictions.
La meilleure adaptation de la réponse sur le terrain impose également de revoir la gouvernance de crise en faisant du secrétariat général du ministère de la justice et des chefs de cours les pilotes de la gestion de crise.
La crise a également souligné le manque de moyens des greffes, qu’il faut renforcer pour apurer le travail accumulé pendant la crise sanitaire.
La prise en compte de la situation des justiciables devrait conduire à sanctuariser l’aide juridictionnelle provisoire, qui permet de s’adapter aux situations d’urgence et de crise.
Plus largement, il convient d’accélérer la numérisation du service public de la justice pour assurer la dématérialisation complète des chaînes civile et pénale et, concrètement, de doter les personnels de justice d’outils numériques performants permettant de travailler à distance.

- Renforcer l’accompagnement dans les prisons
L’administration pénitentiaire a pris des mesures adaptées de prévention de la propagation du virus et a réussi à assurer la continuité du service en recentrant son activité sur les tâches essentielles au fonctionnement des établissements.
Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ont cependant connu de fortes perturbations en raison d’un manque d’équipements qui a rendu difficile le travail à distance. La numérisation de la justice ne doit donc pas négliger les SPIP, qui peuvent assumer une grande partie de leurs missions à distance à condition de pouvoir se connecter à leurs applicatifs métiers.
 Il conviendrait également, dans l’hypothèse où un nouveau reconfinement devait être décidé, de considérer le personnel pénitentiaire comme un personnel prioritaire au titre du dispositif d’accueil des enfants dans les écoles, compte tenu des exigences fortes de continuité du service qui lui sont imposées.
Le travail partenarial entre l’administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et l’éducation nationale mériterait enfin d’être repensé afin d’assurer une plus grande continuité des activités d’enseignement.

- Actualiser les scénarios de gestion de crise pour les forces de sécurité intérieure
Le ministère de l’intérieur a su, dans l’ensemble, adapter son organisation afin d’assurer la mobilisation de ses effectifs sur le contrôle du confinement, tout en garantissant la continuité de ses missions de sécurité. Ces aménagements paraissent toutefois avoir été insuffisamment anticipés et parfois mis en place dans la précipitation.
Il importe aujourd’hui que l’expérience des derniers mois donne lieu à un retour d’expérience commun au sein des forces de sécurité intérieure et que les scénarios de gestion de crise soient actualisés dans les deux forces, police et gendarmerie nationales.
Il serait regrettable que les nouveaux moyens, notamment numériques, mobilisés pendant l’épidémie pour assurer le contact avec la population et porter assistance aux victimes ne survivent pas à la crise. Il apparaît souhaitable que des évaluations soient réalisées en vue, le cas échéant, de pérenniser les outils qui ont permis de renouveler les formes d’assistance à nos concitoyens.
Enfin, la mobilisation sans précédent des forces de sécurité au cours des dernières semaines invite à réévaluer l’intérêt de disposer de forces de réserve pour garantir un soutien opérationnel réactif en période de crise. À cet égard, la police nationale ne paraît avoir encore su assurer, à ce jour, la montée en puissance de sa réserve civile. Il conviendra, pour ce faire, que des moyens budgétaires pérennes y soient alloués.

- Donner toute leur place aux acteurs de la sécurité civile
Il convient de donner toute leur place aux acteurs de la sécurité civile dans la gestion des crises et de fluidifier réellement les relations avec les services de santé dans une action commune et complémentaire. La commission des lois réitère sa proposition de créer des plateformes communes d’appel entre le SAMU et les pompiers.

- Adapter le droit électoral
Au-delà des adaptations ponctuelles aux circonstances sanitaires qui ont été retenues pour le second tour des élections municipales du 28 juin 2020, certaines modalités d’organisation des scrutins pourraient évoluer à l’avenir.
Ainsi, le recours aux procurations pourrait être facilité de façon pérenne. Sous le contrôle des maires et du juge de l’élection, chaque électeur pourrait recevoir deux procurations établies en France, contre une seule actuellement. Pour les électeurs les plus fragiles, le droit d’établir sa procuration depuis son domicile doit être consacré, ce qui nécessitera également de simplifier la procédure de saisine des officiers de police judiciaire.
À moyen terme, le vote par correspondance "papier" pourrait être expérimenté, en s’assurant de l’identité des électeurs et de l’acheminement sécurisé de leur pli jusqu’au bureau de vote. Les exemples de l’Allemagne, de la Suisse et de certains États américains démontrent la faisabilité de cette modalité de vote.

Enfin, une attention particulière doit être portée à l’organisation des élections consulaires des Français de l’étranger, désormais prévues en mai 2021. Il apparaît urgent de faciliter et de sécuriser le vote par internet pour ce scrutin, qui implique de convoquer 1,33 million d’électeurs à travers le monde.


Sénat - Commission - 2020-07-08